Conférence données lors des Journées du patrimoine, Aix-en-Provence, Jas de Bouffan, le 13 septembre 2013, dans le cadre du colloque « Cezanne en tous ses ateliers«
Par Antony Marschutz ( fils de Léo Marchutz) et Denis Coutagne (Président de la Société Cezanne)
Premier point : un mot d’introduction sur une grande amitié, celle John Rewald et Leo Marchutz
( par Denis Coutagne)
texte à venir
Deuxième point : L’origine familiale de Leo Marchutz
par Antony Marchutz
Carl Marchutz, père de Léo
Le nom de Marchutz est celui d’un hameau de Saxe proche de Lomatzsch dans la circonscription de Meißen. Comme beaucoup de familles juives en provenance du grand espace est-européen qui émigraient en Allemagne, elles adoptaient le nom du lieu de leur nouvel établissement avec le souci de mieux intégrer leur nouvel environnement.
Ingénieur de formation, le père de Léo, Carl Marchutz, fonda en 1886 (à l’âge de 23 ans) la plus importante usine de bicyclettes d’Allemagne. Son usine, qui produisait des vélos de marque «Hercules», marque encore connue aujourd’hui en Allemagne, fut peu à peu «arianisée» par la dictature nazie et Carl dut d’abord quitter la direction de son entreprise, contraint ensuite, à l’âge des 78 ans, à prendre le chemin de l’exil vers Los Angeles, afin de ne pas être déporté. Dans cette ville américaine il devait vivre encore 16 ans. Il y est décédé à l’âge de 94 ans.
Comment Léo Marchutz arrive à Château-Noir
Vivant entre Nuremberg, sa ville natale, et Berlin, où il possédait un atelier, Léo Marchutz entra en contact avec Cezanne en 1919 lors d’une visite au musée de Munich et par la suite grâce à la grande exposition chez Paul Cassirer à Berlin en 1921. Les galeries de Berlin échangeaient encore des œuvres du peintre et certaines connaissances de Léo commençaient à collectionner. Il en allait ainsi de « la Sainte-Victoire au grand pin », une version de la grande toile de Moscou, peinte de l’entrée de Château-Noir. Entreposée dans une galerie de Berlin, cette toile constituait aux yeux de Léo « le nec plus ultra » et il pouvait à loisir la contempler «au moins une fois par semaine pendant un an», comme il indique dans une lettre à son ami Adrien Chappuis de nombreuses années après.
En 1928 a lieu le premier voyage de Léo Marchutz en Provence. D’abord Cassis puis Aix-en-Provence.
Grâce à un article de la « Frankfurter Allgemeine Zeitung » illustré de la photo du cocher de Cezanne, Léo reconnaît ce dernier à Aix-en-Provence en haut du Cours Mirabeau, à l’époque le lieu de stationnement des fiacres. Il lui demande de l’emmener sur un des motifs cézanniens et le cocher l’emmène à Château-Noir domaine que Cezanne affectionnait particulièrement et où il a beaucoup peint notamment dans les années 1885/1901. Léo rencontre la propriétaire des lieux, sculpteur de profession et amie de Cezanne, qui lui propose un petit appartement sans eau ni électricité. Après une semaine de réflexion, il décide de louer. Il y revient les étés 1929, 1930 et à partir de 1931 il s’installe définitivement à Château-Noir, pour y rester jusqu’en 1969, soit un peu moins de 40 ans. Il n’en reste pas moins à Aix-en-Provence, en prenant possession de l’atelier que Pouillon vient d’achever pour lui (Il vivra là jusqu’à sa mort en 1976).
Château-Noir est un lieu visité par toute personne intéressée à l’oeuvre de Cezanne. Ainsi au début des années 30, Léo rencontre au Château-Noir Julius Meier-Graefe, écrivain et historien d’art de langue allemande, né en Transsylvanie, vivant entre Berlin et Dresde, auteur notamment d’une « Histoire du développement de l’art moderne». Cosmopolite, ce dernier s’intéressait particulièrement aux artistes impressionnistes, à Edward Munch, à Cezanne, à Van Gogh, à Renoir, etc … Il avait également été un temps galeriste à Paris, créant «La Maison moderne», spécialisée dans l’art nouveau.
Ayant pris la défense en Allemagne d’artistes considérés comme «dégénérés» par les nazis, il était très critiqué par les nationalistes allemands, qui ne lui pardonnaient pas ses prises de position supranationales et cosmopolites. A partir de 1930, il doit se réfugier en France, Saint Cyr sur Mer puis Sanary, pour se soustraire aux dangerx dus à la montée du nazisme. Il est un des créateurs de la colonie de réfugiés anti-fascistes de Sanary, qui voit transiter sur la voie de l’exil notamment Thomas Mann, Lion Feuchtwanger ou Ludwig Marcuse.
Léo avait beaucoup d’estime pour Meier-Graefe, en particulier pour ses livres sur Cezanne et Van Gogh. Il écrit dans son Journal (28 décembre 1959) «… Pense à M-G et l’importance de ses livres pour mon orientation. MG venu une fois à Châteaunoir au début des années 30: je me rappelle son enthousiasme pour la grande allée (Celle qui conduit de Châteaunoir à la Maison Maria). «Philosophenweg» il la nomma, c’est à dire le chemin des philosophes».
Troisième point : comment John Rewald arrive à Château-Noir, rencontre Léo Marshutz et découvre Cezanne
par Denis Coutagne
(texte à venir)
Quatrième point : La mise en œuvre d’un travail cézannien entre Marchutz/Rewald et Novotny et les relations avec le travail accompli auparavant par Lionello Venturi
par Antony Marchutz
Entre 1933 et 1937 une riche correspondance en langue allemande s’établit entre Léo Marchutz, John Rewald et Fritz Novotny avec pour contenu principal la vie et l’oeuvre de Paul Cezanne.
Léo était en relation avec Fritz Novotny, historien d’art autrichien spécialiste du XIXème siècle, auteur d’un premier article en 1929 intitulé «Paul Cezanne». Au printemps de 1933, Léo rencontre John Rewald, en visite à Aix, car il s’intéresse aux œuvres romanes et gothiques de Provence, faisant de ce domaine sa spécialité. Léo Marschuz parvient à le convaincre de l’existence d’un sujet beaucoup plus intéressant qui est de travailler – car rien n’a encore été fait – sur l’oeuvre de Cezanne et plus particulièrement de s’intéresser à la recherche des motifs, car il existe encore des personnes susceptibles de témoigner directement. John se laisse facilement convaincre et c’est alors le début d’une fructueuse période de recherche à trois des motifs qui devait conduire pour ce qui concerne Novotny à sa thèse sur la structuration de l’espace chez Cezanne « Cezanne et la fin de la perspective scientifique », (Scholl, Vienne 1938), pour ce qui concerne John Rewald à sa thèse en Sorbonne « Cezanne et Zola » (Paris, 1936). Ces textes sont les fondamentaux sur lesquels se fondera la recherche cézannienne ultérieure.
De plus le trio est en relation permanente avec Lionello Venturi, l’historien d’art italien, de 20 ans leur aîné et qui s’était fait de Cezanne sa spécialité. Exilé à Paris, démis de ses fonctions d’enseignant au sein de l’université italienne par refus de se soumettre à la mise sous tutelle par Mussolini, Venturi continue son travail de recherche à Paris, ayant regroupés alors un grand nombre de documents, notamment photographiques. En 1936 il devait éditer chez Paul Rosenberg le premier catalogue raisonné des peintures du maître d’Aix, « Cezanne, son art, son oeuvre ».
Léo Marchutz, vivant au Château-Noir, était le point de ralliement de cette recherche à laquelle il participait d’ailleurs activement apportant la parole du peintre; ainsi par exemple sur la question de la fin de la perspective, Léo dans un petit article « Réflexion sur Cezanne », comparant le même motif peint par Pissarro et par Cezanne, a pu écrire : « Quant à Cezanne, nous voyons dans sa toile, en comparaison, un changement très curieux dans la vision : le objets se trouvant près sont négligés ou plus éloignés, les objets au loin sont par contre rapprochée, de façon que s’établisse plus de cohérence entre eux qu’en nature. Le tableau devient une espèce d’organisme tout à fait à part et nous devons convenir que c’est l’effet de son art et que cet art ressemble plutôt à certains arts du passé. Il sait introduire (sans le vouloir!) un certain hiératisme qu’on avait crû perdu pour toujours. L’art se trouve purifié, ramené à ses sources… »
Cinquième point : publications communes de Léo Marchutz et John Rewald
par Denis Coutagne
Les publications communes Marchutz/Rewald en 1934 – 35 et 36 sont au nombre de 3 :
- Château-Noir (publié dans « l’Amour de l’Art)
- Le Jas de Bouffan (Forum, n° 9 Sonderabdruck, 1935, en allemand)
- Les Sites cézanniens de Provence ( Le Point, Colmar, 1936)
texte à venir
Sixième point : L’exposition Cezanne de 1956 à Aix pour le cinquantenaire de la mort de Cezanne.
par Denis Coutagne (texte à venir)
Septième point : L’exposition aixoise de 1961
par Antony Marchutz
Une exposition Cezanne se tient à Aix du 1er juillet au 15 août 1961. Dans un article du Journal de Genève, Jean Leymarie écrit : « L’exposition résulte d’un heureux accord avec la Ville de Vienne en Autriche où elle a d’abord été montée au Palais du Belvédère, dans un ordre chronologique, par son éminent directeur Fritz Novotny, l’un des meilleurs historiens du XIXème siècle européen et de Cezanne en particulier. La sélection d’Aix est légèrement différente et bénéficie d’une disposition plus intime et plus souple dans l’ambiance idéale du Pavillon de Vendôme. Dix-neufs dessins, autant d’aquarelles et vingt-deux tableaux, en général peu connus et d’une extrême qualité, composent, en séquences admirables et dans un juste équilibre des techniques et des motifs, le meilleur florilège qu’un amateur puisse savourer ».
Huitième point : Les rencontres de Ménerbes : reprise du travail pour le catalogue raisonné des œuvres peintes de Cezanne.
par Antony Marchutz
Venturi décéda en août 1961 juste au moment de l’exposition Cezanne d’Aix, qu’à grand regret ses médecins lui avaient déconseillé de visiter. L’éditeur du catalogue, sachant que depuis 1936 de nombreux tableaux de Cezanne avaient apparus chez les collectionneurs privés et qu’il convenait en conséquence de remanier le catalogue, confia cette tache à John Rewald.
Ayant préparé le travail, John Rewald réunit un premier «conclave» l’été 1963, dans sa maison de Ménerbes dans le Vaucluse et y reconstitue pour quelques semaines le trio des années 30 : Léo Marchutz, Fritz Novotny et John Rewald sont a nouveau réunis. Léo écrit dans son Journal en date du 25 juillet 1963 : « … Novotny arrivé le 14. [juillet à]…Ménerbes où nous sommes restés jusqu’au 22 (juillet)… Travaillé la plupart des jours jusqu’à minuit. 1400 photos de Cezanne à classer par ordre chronologique. Eliminé une 50aines de faux et fausses attributions. Sur la plupart des choses d’accord… ».
Ce travail se poursuit l’année suivante, toujours en été et à Ménerbes; au trio précédent vient se joindre Adrien Chappuis, auteur du catalogue raisonné des dessins de Cezanne, afin de permettre, pour la recherche des dates, une comparaison entre dessins et peintures. Léo écrit : « Lettre John de Paris, que la réunion de Ménerbes aurait lieu au début de juillet, qu’il avait écrit à Novotny et à Chappuis …» (Journal, 20 juin 1964) et « A Ménerbes, Chappuis et femme. Il a amené tous ses cartons avec le fiches de dessins. On a terminé … » (Journal, 8 juillet 1964).
Quelques images de Leo Marchutz peintre